21 mars 2017 : matin de printemps.

Le soleil se lève, la vie chante et ruisselle. Des forces juvéniles émergent des profondeurs. Elles sont emplies d’innocence et d’espoir.

 

La lumière dans les sous-bois.

La lumière n’est pas encore captive du tissu des feuillages, elle inonde le sous-bois. Le chant du troglodyte résonne dans les frondaisons nues. Malgré la traversée de l’hiver, de vénérables feuilles de chênes, ombres légères toujours suspendues, dessinent une voie étoilée pour les générations naissantes. Du sol émergent les verts sombres et résistants des lierres et des arums. Les anémones sages s’épanouissent sans pouvoir détourner leur regard de la Terre-mère. Quelques primevères solidement assises ouvrent leurs fleurs.

A l’ombre des grands hêtres, la lumière tendre de l’oxalis embrasse la litière brune. Ses petites feuilles vert-soleil illuminent le sous-bois. Leur saveur fraîche et acidulée est à l’image d’un printemps tout juste né. Les feuilles de l’année, nimbées d’un duvet soyeux se protègent de trop de clarté : leurs trois folioles s’ouvrent en cœur à l’aube nouvelle puis se replient comme des ailes dans l’éclat de midi.  Lorsque le jour décline, elles s’offrent de nouveau, lumineuses, à l’appel de la forêt puis s’inclinent la nuit venue, se refermant pour le repos.

 

La fraîcheur d’une eau limpide.

A peine enracinée, parfois établie sur de vieilles souches, la petite oseille* est bercée par les pluies qui ruissellent. Elle avive les terres qui se décomposent comme la présence d’un enfant éclaire un visage sillonné de rides. Ses tiges souterraines courent telles des eaux vives entre les brindilles et les mousses. Elles se condensent par endroit, retenant un peu de terre pour modeler le bourgeon, faire croître la feuille et la fleur, canalisant la vie dans des entre-nœuds en épi ;  puis elles reprennent leur cours avant de faire jaillir un peu plus loin de nouvelles tiges** magenta et limpides. Les feuilles, menus nénuphars, baignent dans l’éthérique et flottent à la surface. Elles ondoient au gré des intempéries. Les tiges ceintes d’un anneau annoncent la venue de la fleur, un mariage d’eau et de lumière avant la feuillaison des grands arbres.

 *nom vernaculaire de l’oxalis se rapportant à sa teneur en acide oxalique comme l’oseille.

**pétioles et pédoncules.

 

Lorsque l’eau de la vie s’unit à la lumière…

Dans la rosée matinale, les fins boutons floraux inclinés vers le sol, évoquent ces oiseaux d’eau au cou élancé observant le courant du fleuve. Un calice éraflé de brun naît des soies blanches de la tige*. Son vert s’estompe devant la délicatesse des pétales. Un jaune-vert diffus perle entre les sépales, un rayon de soleil dans un printemps humide. 

La corolle retenue en spirale s’ouvre insensiblement au monde de l’air. La petite fleur vierge et immaculée s’épanouit pleine de grâce. Elle est veinée d’un violet de ciel comme les ailes d’un papillon. Elle salue la lumière et la cime des grands hêtres. L’éther, la quintessence des Simples, chante dans ses cinq pétales et cinq sépales, ses cinq longues et cinq courtes étamines et son cœur aux cinq stigmates.

Entre la feuille et la fleur, un lien de cœur s’instaure, une diastole et une systole au rythme du jour. Lorsque le soleil se lève ou lorsque le jour décline, la fleur close sommeille et les feuilles ouvertes veillent. Sous les rayons perçants de midi, les feuilles éblouies se replient, pointant la direction du soleil à la petite fleur épanouie. Mais lorsque la lune s’élève dans la nuit silencieuse, fleurs et feuilles sont endormies.       

*pédoncule floral.

 

Le cours de la vie.

Les anémones se teintent de rose pourpre et s‘éteignent paisiblement sur l’autel de la terre. Au petit matin, des myriades d’oiseaux se répondent dans les frondaisons verdoyantes et les tapis de ficaires cueillent la lumière des sentiers. Le jaune-vert des euphorbes éclipse le vert-soleil de la petite oseille ; alors doucement, elle quitte sa robe blanche, la dépose sur ses feuilles, puis s’incline.       

Les semaines s’écoulent. Une tiédeur humide émane des sous-bois. De gros bourdons butinent les raiponces hirsutes. Les mésanges s’affairent auprès de leurs petits, leurs appels ininterrompus résonnent dans la futaie.  Oxalis prend de l’âge. Ses feuilles doyennes cillent à peine et demeurent ouvertes, elles semblent aguerries par le temps qui passe. Les rayons solaires freinés par le couvert des sommets ne les atteignent plus. Les tiges florales dénudées se sont redressées et portent fièrement leur fruit, flammes silencieuses semant des graines striées d’ombre et de lumière. Et infatigable, l’onde lumineuse des tiges souterraines épure la terre noire, faisant jaillir de nouvelles pousses ensoleillées. 

 

L’eau, source de vie.

Les forces de vie traversent la petite plante.

Elles se manifestent dans les méandres de son rhizome* effleurant les roches ou parcourant la litière du sol en ruisseau limpide. Nous les ressentons aussi dans la souplesse et la couleur des tiges fleurs de pêcher et magenta, carnations de la vie à peine éclose. Le magenta apparaît dans la lumière de l’aurore et sur les bourgeons. Il est la couleur invisible de l’arc en ciel, la première qui émerge des ténèbres. Elle lie et relie, elle donne la vie, elle est mouvement de la vie. Lorsqu’elle s’éclaircit elle prend une tonalité fleur de pêcher, comme au premier matin du monde.

Les forces de vie se manifestent aussi dans la rondeur des feuilles qui se reproduisent sans métamorphose, invariablement du printemps à l’automne, malgré l’arrivée de la fleur, telles de petites cellules indifférenciées.  Elles suivent un cycle nycthéméral **, source de vie et de régénération.

*tiges souterraines

**le nycthémère  (du grec nux, nuktos, « nuit », et hêmera, « jour ») désigne une alternance d'un jour et d'une nuit correspondant à un cycle biologique de 24 heures

 

Un équilibre vivant entre eau et lumière.

La fleur blanche est enfant de la lumière, elle s’épanouit sous le cosmos avant la feuillaison des arbres. Le diagramme floral s’édifie autour du chiffre cinq* formant cinq pentagrammes. Le cinq témoigne de l’activité harmonieuse entre la terre et le ciel, entre les forces éthériques et astrales, un équilibre vivant entre l’eau et la lumière**.

Les petites feuilles sont lumineuses, vert-soleil, acidulées, des gouttes d’eau reflétant l’éclat du jour.  Cet éthérique d’une grande délicatesse se lie à la lumière sans heurt, dans un rythme et un équilibre garant de la vie. Le jour, les feuilles sont ouvertes, percevant et transformant la lumière. L’eau de la terre (éthérique) et la lumière du cosmos (astral) s’unissent dans l’activité photosynthétique du feuillage. Lorsque le soir tombe, la lumière quitte la terre d’oxalis : les feuilles suspendent leur activité perceptive et se replient pour le repos.

Le mouvement si particulier des feuilles sous l’influence de la lumière évoque le geste du corps de sensibilité humain se reliant puis se détachant du corps de vie dans l’alternance des jours et des nuits. Le jour, l’homme est ouvert à son environnement, il perçoit, ressent et agit. Son corps de sensibilité est relié à son corps vie. Mais son existence d’homme de jour, « consciente », psychique, affective épuise ses forces de vie.  Alors dans son sommeil il quitte la lumière de la conscience : son corps de sensibilité se dissocie de son corps de vie qui peut alors se régénérer. Les courants de vie qui le traversent sont au nombre de cinq et dessinent une étoile à cinq branches, un pentagramme. Le cinq est le chiffre de l’union, du milieu, de l’équilibre***.

Oxalis a non seulement intégré dans son geste ce rythme nycthéméral mais elle sait, en journée, se préserver de trop de lumière. Lorsque la lumière est douce, les feuilles s’ouvrent pour la recevoir mais lorsque la lumière est trop intense, les folioles se replient, se rassemblent le long de l’axe de la tige, se recentrent pour protéger la vie.

Oxalis est une plante de vie. Les mouvements rythmiques de ses folioles la relient à la lumière autant qu’ils l’en délient. Elle se développe sur des terres sombres en décomposition. Oxalis agit dans notre corps comme elle agit sur sa terre.

Son action est prépondérante dans notre système métabolique où dominent les forces de vie. Elle est porteuse de vie et de rythme, elle soutient notre système digestif dans son activité anabolique, constructive.  Elle sollicite le corps de sensibilité lorsque le catabolisme des aliments est insuffisant, mais à l’inverse le renvoie au pôle supérieur lorsque sa présence trop prégnante génère météorismes, spasmes ou constipation. Plus simplement, gardons d’oxalis l’image d’une eau lumineuse vivifiant les terres sombres de notre métabolisme, éclairant l’ombre de nos traumatismes.

A l’adolescence, la vie de l’âme est intense, les émotions sont vives et changeantes, les sentiments sont exacerbés sans régulation par le « JE ».  Le corps de sensibilité anime les pensées, les sentiments et l’agir, créant des alternances d’ombre et de lumière, colorant les événements extérieurs et bouleversant le monde intérieur. De ce monde intérieur diffus, pas encore apprivoisé, peuvent émerger des angoisses et des peurs obscures. L’oxalis a alors toute sa place, elle apaise les ventres noués, les plexus solaires contractés, elle harmonise les relations entre le corps et l’âme.        

Dans les racines d’oxalis vit le magenta, la première couleur émergeant des ténèbres, celle de la vie naissante, du soleil levant. A l’opposé, dans sa fleur blanche veinée de nuit, le violet nous ramène dans les ténèbres, il est la lueur qui s’élève de la terre au crépuscule. Ces deux couleurs sont des ponts, l’une nous ouvre le chemin de la vie, l’autre nous amène au seuil de la mort. La petite plante accompagne la vie mais aussi la fin de vie. Elle enveloppe d’un violet de paix le patient assailli par les terreurs nocturnes et lui fait entrevoir la lumière des étoiles.

 *cinq sépales, cinq pétales, deux fois cinq étamines, cinq stigmates, formant cinq pentagrammes.

**les plantes possèdent un corps physique et un corps de vie. Elles ne sont dotées d’aucun corps astral individuel, intériorisé. Les forces éthériques (l’eau) parcourent la plante et l’astral (lumière) agit de l’extérieur. Le faible ancrage et la faible tenue de la plante montrent le peu d’influence de l’élément terre. Quant à l’élément chaleur, il ne semble pas intervenir dans la forme et les substances sécrétées par la plante.

***le cinq est au centre des neuf premiers nombres (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), il est le nombre nuptial selon les pythagoriciens.